CHAMBRE D'AGRICULTURE
Lancement des soirées territoriales

Margaux Balfin
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Jeudi 7 mars, la Chambre d'agriculture a organisé la première d'une longue série de soirées territoriales à Ambérieu-en-Bugey. Ces soirées visent à apporter de l'information aux agriculteurs autour de quatre thématiques : changement climatique, gestion de l'eau, sécurisation des exploitations et Loi d'accélération des énergies renouvelables. Exemple de quelques échanges. 

Lancement des soirées territoriales
Une vingtaine d’agriculteurs ont échangé avec les élus et conseillers de la Chambre d’agriculture jeudi 7 mars lors de la première soirée territoriale à Ambérieu-en-Bugey. Photo/Sophie Badet

Ils étaient une vingtaine d'agriculteurs dans la salle de réunion du château des Échelles. « L'objectif de ces soirées, c'est d'échanger. Nous ne sommes pas seulement là pour vous apporter de l'information », souligne Lionel Manos, agriculteur à Arandas et président de la Sema et du comité de territoire. Bonne ambiance oblige, les élus et collaborateurs de la Chambre ont proposé une activité ludique et dynamique pour répondre aux interrogations des professionnels : une question, quatre réponses possibles, chacune correspondant à un carré dessiné au sol dans lequel les agriculteurs devaient se placer selon leur avis. Une façon aussi pour la Chambre d’agriculture de recenser les besoins des professionnels. 

Changement climatique : des professionnels qui s'adaptent 

Sur la question du changement climatique, la grande majorité observe une hausse des températures et un changement des périodes de précipitations. Des estimations corroborées par l'analyse de Thomas Niogret, conseiller irrigation à la Chambre. Alors que les années sont chaque fois plus chaudes avec des sécheresses répétitives, notamment en hiver (45 jours sans pluie en 2023) et 1 075 mm de précipitations sur Ambérieu l'année dernière contre 1 000 mm en moyenne pour une année normale. Autrement dit, une hausse de ETP et un besoin augmenté en eau. Les exploitations sont-elles déjà armées et préparées à ces évolutions ? Beaucoup de professionnels estiment avoir déjà pris les devants en matière d’adaptation. Quelques-uns concèdent toutefois ne pas avoir les moyens aujourd'hui pour s'adapter. Jean-Marie Fontanet, directeur adjoint de la Chambre d’agriculture, a souligné l'importance des travaux menés en collaboration avec la FDCuma pour accompagner les professionnels sur de nouveaux itinéraires techniques en prenant en compte l'impact économique, agronomique mais aussi en termes de temps et de confort. « On s'aperçoit que pas mal de monde s'adapte mine de rien en fonction des aléas et des conjonctures. Les agriculteurs sont des gestionnaires et prennent les choses en main sans attendre de l'enseignement », se réjouit Lionel Manos. Et Sandie Marthoud, agricultrice à Sainte-Julie, de lâcher : « On s'adapte mais on nous met pas mal de bâtons dans les roues. Je pense notamment au stockage de l'eau. C'est l'avenir. Chaque année on nous laisse mourir de soif l'été et on a les pieds dans l'eau l'hiver, et c'est chaque année. Ça nous coûte très cher et ce n'est pas reconnu... ». Jean-Marie Fontanet a rappelé la venue du ministre de l'Environnement l'an dernier pour évoquer cette problématique, identifiant l'Ain comme secteur prioritaire puisque le département avait été exempt d'arrêtés sécheresse que durant seulement quelques mois. 

Stockage de l’eau : la Chambre va lancer un appel à manifestations d’intérêt

Collectif d'irrigation, modification d'assolement ... Comment les professionnels font-ils face au manque d'eau ? Là encore, pas trop de débat et le consensus est plutôt de mise. La grande majorité se retrouve dans la modification d'assolement. A noter que la plupart d'entre eux sont des irrigants, déjà en avance, « par obligation », dans ce domaine. « Il y a un trou dans la raquette, admet Thomas Niogret. Construire une retenue dans la Plaine de l'Ain ne devrait pas tant retenir l'eau. Tout est variable, il n'y a pas de bonne solution. Selon le contexte, pour des raisons réglementaires ou des contraintes techniques de remplissages, on ne pourra pas faire de retenue. Il faut savoir que des aides existent pour la construction de forages ou retenues, et également des aides FEADER pour investir dans des systèmes économes en eau ». 

Plusieurs pointent du doigt l'iniquité de la réglementation dans la Plaine de l'Ain qui permet aux agriculteurs, certes de creuser des forages, tout comme le secteur industriel, mais ne leur permet pas de bénéficier de subventions pour utiliser l’eau issue de forage. Sur la question du stockage de l’eau, la Chambre d’agriculture va prochainement lancer un appel à manifestions d'intérêt pour la construction de solutions collectives. « Il faut peut-être s'en servir pour essayer de faire ce qui n'était pas possible hier, notamment sur la partie expérimentale », encourage Jean-Marie Fontanet. Et Thomas Niogret de préciser l'existence d'aides en matière d'abreuvement pour éviter d'utiliser de l'eau potable et de charrier de l'eau en creusant des forages sur les zones de pâturage. Dans ce contexte, de quoi ont besoin les agriculteurs ? Des solutions techniques et financières, se positionnent-ils tous sans conteste. Certains attendent aussi que le secteur de la commercialisation soit mis autour de la table sur ces questions-là.

 Un souci sur son exploitation : quand appeler la gendarmerie ?                                                        

Autre thématique abordée, la sécurisation des exploitations. Présent, l'adjudant-chef Planchon de la brigade de la gendarmerie d'Ambérieu-en-Bugey insiste : « Vous ne nous dérangerez jamais et avec votre réseau et en étant toute la journée sur le terrain vous voyez des choses et tout renseignement peut nous être précieux ». Il est revenu sur les différents dispositifs dissuasifs qui existent tels que les détecteurs de lumière, les caméras, etc.  Il a aussi sensibilisé sur un phénomène en cours dans le département et en particulier dans la Bresse : les vols de GPS. « Un groupe tourne et une équipe a été mobilisée sur ce problème au niveau de la brigade de Bourg-en-Bresse », précise l’adjudant-chef. Dernier vol en date à Vieux. Une délinquance en hausse épuisante. « On sait que ce n'est pas de votre faute, mais on voit que c'est classé sans suite le lendemain ... Un jour on va arrêter de vous appeler et ils seront morts », alerte Sandie Marthoud. « J'admets que moi-même j'ai pris l'habitude de ne plus regarder ce qu'ils prenaient au tribunal », concède l'adjudant-chef Planchon, qui se dit souvent déçu du verdict.

 Des panneaux dans les villages pour filmer la voie publique 

Un agriculteur conseille toutefois la prudence face à l'escalade de la violence et le risque de voir des représailles par vengeance. Installé près de Rillieux-la-Pape, aujourd'hui il dit ne plus rien fermer sur sa ferme et contre toute attente, il remarque que depuis moins de cas d'intrusion ont eu lieu. À noter qu'il est possible de filmer la voie publique dès lors qu'un panneau à l'entrée d'agglomération stipule que le village est placé sous vidéo surveillance. En revanche, les propriétés privées ne doivent pas être visibles. Des systèmes de floutage existent néanmoins. Une solution qui peut permettre d'identifier quelqu'un grâce à la plaque d'immatriculation du véhicule placé en-dehors de l'exploitation. 

En cas d'absence prolongée sur les exploitations, les gendarmes invitent à prévenir la brigade du canton. Des patrouilles pourront alors être instaurées autour des sièges d'exploitation dans la mesure du possible. Pour mémoire, un référent agricole et environnemental est nommé dans chaque brigade. Pour un diagnostic sécurité sur les exploitations, trois référents sûreté sont également disponibles sur le département. Pour les faire intervenir, il faut s'en référer au groupement de gendarmerie de Bourg-en-Bresse. Plusieurs visites ont d'ailleurs lieu en ce moment sur les exploitations de Volaille de Bresse. 

Accélération des énergies renouvelables

Pour cette dernière thématique, la Chambre a souhaité recenser les projets d'installations énergétiques en cours sur le département. Jean-Marie Fontanet a ainsi rappelé le positionnement de la Chambre d'agriculture vis-à-vis du développement du photovoltaïque : privilégier en premier lieu les toitures. Pour ce qui est d’installer du photovoltaïque au sol, la Chambre plaide pour le ciblage de friches ou de parcelles incultes. L'agrivoltaïsme, c'est-à-dire l'implantation de panneaux au sol pour compléter (et non supplanter) une activité agricole, ne devra être étudié qu'en dernier recours. Pierre-Yves Ceppi a aussi expliqué l'intérêt de la création de la société AgriLéa dans l'Ain pour superviser l'implantation de projet de panneaux photovoltaïques dans le département. Plusieurs recherches sont en cours pour étudier des solutions de stockage de l'énergie dont les besoins se font davantage sentir l'hiver, période de basse production, contrairement à l'été, a ajouté le directeur de la Chambre. De bout en bout de la soirée, les échanges ont fusé et ont été constructifs balayant un grand nombre de problématiques, vécues au quotidien par la profession. Et de terminer sur une bonne note : le centenaire des Chambres d'agriculture cette année.

L’article 54 de Loi d’accélération des énergies renouvelables du 10 mars 2023 précise les modalités d’implantation d’ouvrage de production électrique à partir de l’énergie solaire en zones agricoles, naturelles ou forestières. Ces projets d’ouvrage ne seront possibles que sur des terres, à vocation agricole ou pastorale, réputées « incultes » ou non exploités depuis au moins dix ans. Ces parcelles devront être identifiées dans un document-cadre arrêté par la préfecture de chaque département sur proposition de la Chambre d’agriculture et après consultation de la CDPenaf. A noter que les installations sont interdites sur les terrains de plus de 25 ha nécessitant une autorisation de défrichement et que plusieurs types de terrains présumés incultes (sites pollués, friches industrielles, anciennes carrières, ISDI sans remise en état prescrite, délaissés fluviaux, routiers ou ferroviaires, plans d’eau, site classé au PLU, etc.) pourraient également être inclus d’office dans le document-cadre. Dans l’Ain, la Chambre d’agriculture attend aujourd’hui la parution du décret d’application de la loi en local. Elle aura ensuite neuf mois pour proposer une cartographie identifiant les parcelles qui répondent potentiellement aux critères d’accueil de photovoltaïque au sol prévus par la loi. Et Pierre-Yves Ceppi de préciser : « Nous pensons aussi rencontrer les agriculteurs et les référents PLU sur le terrain pour vérifier que ces parcelles correspondent bien à nos estimations. »