AGRIVOLTAÏSME
Panacée ou mirage ?

Margaux Legras-Maillet
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Face aux sécheresse récurrentes et aux chaleurs intenses, installer des panneaux photovoltaïques sur ses parcelles agricoles prend une tournure intéressante, encouragée par la volonté du gouvernement de réduire les émissions carbone à l’horizon 2050. Mais face à la multiplication de projets, chambre d’agriculture et élus agricoles locaux s’interrogent sur la façon d’encadrer cette nouvelle activité sensée ne pas concurrencer ou supplanter la production agricole, mais bien la favoriser. Questions à Gaëtan Richard, élu et référent énergie et climat à la Chambre d’agriculture de l’Ain. 

Panacée ou mirage ?
L'essentiel des installations photovoltaïques au sol dans le département se situent sur des terrains déjà artificialisés ne pouvant accueillir une activité agricole. Néanmoins, la Chambre d'agriculture et la CDPENAF restent vigilantes face à l'afflux de projets se revendiquant de l'agrivoltaïsme. Photo/MLM

Quel regard porte la Chambre d’agriculture sur l’agrivoltaïsme ?
Gaëtan Richard : « Aujourd’hui, nous n’avons pas assez de retours sur l’agrivoltaïsme. Nous souhaitons travailler sur des espaces « tests » sur le département afin d’avoir des références. Par exemple par rapport aux réactions du sol, elle ne sera pas la même selon qu’on se trouve au bord de la mer, que l’on est dans la Bresse ou dans le Valromey. On ne peut pas extrapoler des données venant d’autres régions. Il y a un travail aussi à faire sur les exploitations en bovins-allaitants. Il faut aussi réfléchir sur les filières volailles parce que nous avons eu deux ou trois dossiers que nous avons dû retoquer. Après on ne néglige pas la protection des cultures, que ce soit pour la viticulture, l’arboriculture, etc., mais il y a des enjeux à considérer tels que la maturité. »
 
Quelles sont les pistes de la Chambre pour obtenir ces références départementales ?
G.R. : « La CNR travaille un peu sur ces questions aujourd’hui et nous leur avons demandé que nos techniciens aient accès aux données. Il y a un travail à faire à l’échelle de la globalité de l’exploitation. Sur tout ce qui est plan d’épandage notamment. Cela se regarde si on perd 5 ou 10 ha de parcelle. Pour la Pac également. » 
 
Quelles sont les craintes, les attentes de la Chambre d’agriculture, vis-à-vis des projets agrivoltaïques ? 
G.R. : « L’agrivoltaïsme doit apporter un aspect positif pour l’activité agricole, et pas uniquement être une plus-value financière. Le facteur temps de travail n’est pas non plus assez pris en compte. Si l’on perd du temps sur une parcelle (à cause des installations photovoltaïques, NDLR), il doit être valorisé. 
On ne veut pas que ce soit des entreprises privées qui viennent investir et que les retombées économiques aillent dans les poches d’un investisseur autre que l’exploitant agricole, français ou étranger. C’est ce que l’on souhaite défendre avec la Sem Léa : l’agrivoltaïsme pourrait rentrer dans le cadre de projets de sociétés locales pour que les retombées se fassent sur les fermes.  L’idée, c’est que des agriculteurs d’un même secteur créent une société en y achetant des parts. Aujourd’hui, il faut qu’on arrive à calibrer. Sur les conventionnements qu’il y a entre la construction des panneaux photovoltaïque et l’usage agricole. Si demain il n’y a plus d’usage agricole alors les panneaux n’ont plus lieu d’être, c’est un peu comme le droit d’exploiter. Un peu comme pour la méthanisation. Et l’enjeu c’est bien de garder la même dynamique de l’activité agricole. C’est pour cela que les Jeunes agriculteurs ont demandé un moratoire sur l’agrivoltaïsme. »
 
Quels sont les autres enjeux auxquelles sera attentive la Chambre ?
G.R. : « Dans l’Ain aujourd’hui, nous avons peu de propriétaires de foncier et la plupart des exploitants sont en fermage. Il faut donc définir un cadre pour que tout soit clair, entre ce qui va au propriétaire, à l’exploitant et au repreneur en cas de cession. Les baux de production doivent pouvoir être transmis et que cela ne nuise pas à la transmission. Ils doivent être lié à une exploitation globale. Un exploitant qui vend les trois quarts de son exploitation ne doit pas pouvoir conserver la production d’électricité comme rente de retraite. »
 
Propos recueillis par M.L.M. 

Définition

L’agrivoltaïsme consiste à produire de l’électricité à partir de panneaux photovoltaïques installés sur une parcelle agricole et qui, selon l’Ademe, répond « à une problématique agricole par la synergie qu’il présente entre production agricole principale et production photovoltaïque secondaire ». En d’autres termes, la production d’électricité est étroitement associée à la production agricole. Les installations agrivoltaïques peuvent prendre plusieurs formes lorsqu'elles ne sont pas sur toitures : trackers, ombrières, etc. 
 

Une charte en cours de rédaction à la CDPENAF

La commission de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) a été a été mise en place par la Loi d’avenir pour l’agriculture, l’agroalimentaire et la forêt (LAAAF) du 13 octobre 2014. De plus en plus, elle est amenée à statuer sur des projets d’installation de panneaux photovoltaïques au sol sur parcelles agricoles. La CDPENAF vise entre autres à lutter contre l’artificialisation des terres agricoles. 

                                                                                                                                            Schéma : www.photovoltaïque.info  

Face à la prolifération de projets se revendiquant de l’agrivoltaïsme, la commission de l’Ain a décidé de rédiger une charte de principes. « Un groupe technique dont je fais partie travaille sur tous les arguments qui y figureront, précise Gilles Brenon. Elle est en cours de finalisation et nous comparons les éléments avec ceux des chartes d’autres départements. Le seul intérêt de la CDPENAF, c’est le changement de destination des biens agricoles. » La commission craint en effet de voir fleurir de projets qui prétendent conserver une activité agricole en élevant « trois poules et deux cochons » pour justifier l’installation de panneaux photovoltaïques sur du terrain agricole. Une activité agricole continuant d’exister, il est alors difficile pour la CDPENAF de s’opposer à ces projets. C’est la raison pour laquelle, la celle-ci travaille également à établir des modèles de besoins réels de chaque exploitation afin de déterminer si oui ou non un projet se justifie. 
M.L.M.