VOLAILLE DE BRESSE
« Le chef-d’œuvre est en péril » ?

Ludivine Degenève
-

Lors de l’assemblée générale du Comité interprofessionnel de la volaille de Bresse qui s’est déroulée le 24 février à Sornay (Saône-et-Loire), un diagnostic commercial de la filière a été établi par Olivier Mevel, consultant en marketing. Bilan : de nombreux points sont à revoir, et certains ne font pas l’unanimité.

« Le chef-d’œuvre est en péril » ?
L'AOP Volaille de Bresse a été reconnue en 1957. 66 ans après, les codes sont en train d'être repensés, mais toujours avec les exigences qui font la renommée de la filière. PHOTO/ LD

Les premiers mots d’Olivier Mevel, consultant en marketing sont clairs : « Quand on regarde les chiffres, on se dit qu’en termes de stratégie commerciale et de communication, on a du boulot. » Une entrée fracassante qui suscite toute l’attention de l’auditoire présent lors de l’assemblée générale du CIVB, principalement composé d’éleveurs de volaille de Bresse. Voilà quelques années que la filière perd de son éclat. « En 20 ans, on a perdu 50 % des mises en place, on a divisé par trois le nombre d’éleveurs, donc ça veut dire qu’on s’est trompé quelque part », enchaîne le conseiller. Pour redorer cette image, la première étape est de déterminer le public cible, puisque 64 % des consommateurs français sont réticents à l’idée d’acheter de la volaille de Bresse à cause du prix. Or, 15 % des 29 millions de foyers fiscaux en France sont préservés de la crise. D’après Olivier Mevel, les acheteurs prioritaires se trouvent dans cette catégorie : la tranche des quinquagénaires serait la plus intéressante, notamment par leurs habitudes d’achat et leur routine.
 
Mettre un visage sur la filière 
 
Même si la filière connaît un certain déclin, elle garde néanmoins un atout majeur : « Vous avez de la notoriété, relève Olivier Mevel. Quand on demande aux Français quelle est la plus belle démarche de qualité que vous connaissez, 70 personnes interrogées ont répondu la volaille de Bresse. » Mais d’après l’intervenant, cet atout ne se suffit plus à lui-même : « La valeur perçue aujourd’hui de la volaille de Bresse est inférieure à son prix. » Pour remédier à ce problème, des études réalisées sur la filière ont fait ressortir un autre point fort, tout aussi important que la notoriété : la confiance des consommateurs donnée aux éleveurs. « Si on veut repasser au-dessus des 800 000 mises en place, on va être obligé de parler aux consommateurs qui vont être capable d’acheter de la volaille de Bresse », continue Olivier Mevel. La volaille de Bresse ne serait rien sans l’implication des éleveurs au sein de la filière. « Vous seuls pouvez garantir aux consommateurs la qualité de cette volaille. Le consommateur ne vous voit pas assez, insiste l’intervenant. Si cette histoire n’est pas racontée par les éleveurs, ce ne sera pas la peine. » Une idée est vite apparue dans les esprits : créer des petites vidéos virales, sans truquage ni acteur, qui reflètent le quotidien d’un éleveur. Cette démarche permettrait aux consommateurs de mettre un visage derrière tout le travail de la filière. 
 
Repenser les codes de l’étiquette
 
Autre idée de la part d’Olivier Mevel : modifier l’étiquette : Qu’est-ce qu’on rajoute ? Est-ce qu’on maintien les codes couleurs ?... De nombreuses questions ont été abordées dans le but encore une fois d’améliorer l’image de la filière. Mais cette proposition fait débat au sein du bureau, notamment pour Georges Blanc, président du CIVB,  qui juge l’étiquette importance dans l’identité de la profession. « Les étiquettes des labels rouges sont plus travaillées, et ils sont sortis en tête des préférences sans indication de prix parce que l’étiquette est meilleure », insiste Olivier Mevel.
La volaille de Bresse est certes réputée à l’échelle nationale et internationale, et très vendue sur le marché local, mais pour ce qui est des ventes hors des frontières régionales, le marché n’est pas encore acquis, d’après le consultant : « Il faut qu’on arrive à vendre ailleurs. On ne vend pas une volaille de Bresse sur l’axe Rouen, Caen, Rennes, Nantes, Bordeaux, La Rochelle, le Bassin d’Arcachon, Biarritz, et Pau. Il faut qu’on arrive à vendre ailleurs ».
Pour conclure son analyse, le consultant en marketing insiste sur les quatre critères fondamentaux pour redorer l’image de la volaille de Bresse : l’étiquette, les conseils du boucher, les recommandations des proches, et l’engagement des éleveurs en insistant sur une phrase lourde de sens : « Le chef-d’œuvre est en péril. » Les sujets évoqués sont certes directs, mais néanmoins pris en compte par le syndicat, qui compte travailler plus en détails sur ces sujets pour faire évoluer la filière.