RÉACTIONS
Prix plancher : une proposition loin de faire l’unanimité

Depuis l’annonce d’Emmanuel Macron faite au Salon de l'agriculture le 24 février sur les prix plancher, les réactions pleuvent dans le monde politique et agricole.

Prix plancher : une proposition loin de faire l’unanimité
A la surprise générale, le président Emmanuel Macron a annoncé vouloir instaurer des « prix planchers » pour les agriculteurs. © Xavier Remongin_agriculture.gouv.fr

Après sa rencontre avec les représentants nationaux des syndicats agricoles, le 24 février au Salon de l’agriculture, le président de la République a annoncé vouloir instaurer des « prix planchers » pour les agriculteurs. Sur le fond, des précisions sont nécessaires. En attendant, les différentes prises de paroles des membres du gouvernement insistent sur un renforcement de la place des indicateurs des coûts de production dans la construction du prix. Le compte rendu du Conseil des ministres du 28 février précise qu’Emmanuel Macron appelle à « la mise en place de prix planchers, calculés en fonction du coût de production ». Le calendrier est fixé. Cette mesure doit figurer dans un nouveau projet de loi sur les relations commerciales, annoncé quelques jours plus tôt par le gouvernement. Celui-ci doit être présenté à l’été pour une adoption d’ici la fin de l’année. Une mission parlementaire a été confiée aux députés Alexis Izard (Renaissance) et Anne-Laure Babault (Modem) pour en déterminer le contenu. Elle se terminera au mois de mai.

La surprise d’Emmanuel Macron

L’annonce d’Emmanuel Macron a surpris, en grande partie parce que les mesures de « prix planchers » ont jusqu’ici été l’apanage des oppositions politiques. À la surprise générale, c’est finalement le gouvernement qui reprend le terme à son compte, assurant qu’il ne revêtira pas les mêmes dispositions. « On va faire en sorte que des indicateurs de coûts de production qui existent, ils sont dans la loi, puissent être la base de la construction du prix », a déclaré le Premier ministre Gabriel Attal lors de sa visite au Salon de l’agriculture, le 27 février. « Ça n’a rien à voir avec la proposition de La France insoumise, qui veut transformer nos agriculteurs en fonctionnaires et nationaliser la grande distribution », assure-t-il. « Entre l’URSS et le Far West, il y a un équilibre », a-t-il ajouté. Après quelques remous au Rassemblement national, Marine Le Pen a indiqué défendre « un prix garanti par l’État qui intervient comme arbitre au cas où les négociations n’arrivent pas à être conclues entre les producteurs et les industriels ». Mais « si on met en place des prix planchers en laissant les accords de libre-échange, en baissant la production agricole, en multipliant les normes environnementales qui renchérissent les prix, alors on crée un avantage pour les importations et un appauvrissement généralisé des agriculteurs », a-t-elle complété.

Du côté des syndicats, les avis divergent

Réagissant à l’annonce du président, la Confédération paysanne a salué une mesure s’apparentant à sa revendication d’un prix minimum garanti. La Confédération paysanne veut que ce prix plancher permette de couvrir non seulement les coûts de production mais aussi la protection sociale des agriculteurs (santé, retraites).  « Je ne pense pas que le souhait du président, vu la politique économique qu’il a menée depuis le début, soit de soviétiser l’économie », a remarqué de son côté Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA sur RTL et M6 le jour de l’annonce, expliquant avoir « demandé quelques éclairages ». Le vocabulaire hérisse la FNSEA : « Prix plancher, ça laisse entendre qu’il y a une sorte de conférence annuelle ou trimestrielle où on dirait “La viande, elle vaut tant” », souligne Arnaud Rousseau. « Je n’ai pas le mode d’emploi, je n’ai pas la baguette magique qui me permette de faire fonctionner des prix plancher », a déclaré Dominique Chargé, le président de La Coopération agricole. « Pour garantir des prix planchers, il faut être en mesure de les répercuter dans le prix de vente, ou qu’une puissance publique vous garantisse de couvrir la différence », a-t-il dit.

Attention au prix plafond

Dans la filière laitière, la proposition laisse dubitatif. « On va retomber très vite sur le même problème qu’actuellement avec la loi Égalim sur le choix des indicateurs », observe le président de la FNPL (éleveurs laitiers, FNSEA) et du Cniel (interprofession laitière), Thierry Roquefeuil. Et d’ajouter : « Il y a un gros risque qu’à partir du moment où l’on fixe un prix plancher, toutes les industries laitières se mettent à payer au tarif du prix plancher, ce qui sera légal. Je n’ai pas du tout envie que le prix plancher soit le prix appliqué par Lactalis ! Et si on met ce prix plancher trop haut, les produits français ne seront plus compétitifs et perdront des marchés à l’international. ». Pour l’éleveur, la proposition ne dépasse pas certaines limites du cadre actuel : « Emmanuel Macron parle d’un prix plancher par filière, ce qui veut dire qu’il va renvoyer encore une fois vers les interprofessions pour le construire. Déjà que l’État fasse en sorte de pleinement appliquer la loi Égalim ! Si c’était le cas, cela aurait des effets positifs. Et qu’il fasse en sorte que toutes les filières s’en emparent. Car aujourd’hui, il n’y a que la filière laitière qui s’en est véritablement emparée. » Pour protéger le revenu des agriculteurs, la FNPL plaide plutôt pour l’instauration d’une date butoir pour les négociations entre une organisation de producteurs et un industriel.

JG et MR avec AFP