DÉNOMINATION
« Steak végétal » : le Conseil d’État suspend le décret

Dans une décision rendue publique le 27 juillet, le Conseil d’État a suspendu le décret signé le 29 juin dernier par la Première ministre Élisabeth Borne qui devait interdire, au 1er octobre, des appellations animales pour des produits végétaux. Ce qui a provoqué une vive réaction des agriculteurs.

« Steak végétal » : le Conseil d’État suspend le décret
Le Conseil d’État vient de suspendre un décret signé le 29 juin qui devait interdire, au 1er octobre, des appellations animales pour des produits végétaux.

C’est une demi-victoire pour l’association Protéines France qui regroupe les entreprises des protéines végétales. Celle-ci avait déposé le 22 juillet au Conseil d’État un recours en référé afin de suspendre le décret relatif à l'utilisation de certaines dénominations employées pour désigner des denrées comportant des protéines végétales. Elle estimait que l'entrée en vigueur du décret au 1er octobre 2022 ne laisserait pas suffisamment de temps aux acteurs de la filière pour réorganiser leur activité, au risque de semer la confusion chez les consommateurs et de perdre des parts de marché. Un argument qui « nous sidère » ont pesté les organisations agricoles.

Le champ lexical

Le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative en France, vient de lui donner en partie raison en suspendant, le 27 juillet, ledit décret. Cependant, les juges administratifs sont allés sur un autre champ que celui du calendrier : le champ sémantique. En effet, le Conseil d'État a retenu l’argument avancé par l’association selon lequel il est impossible pour les denrées végétales de sortir du champ lexical qui s'approche de près ou de loin de la viande. Poussant plus loin l’argument, l’avocat de Protéines France a avancé que certaines appellations « n'ont à l'origine aucun rapport avec la viande, comme steak qui signifie tranche en anglais, ou encore carpaccio du nom du peintre italien qui faisait prévaloir le rouge dans ses peintures ». Un argument manifestement convaincant puisqu’il a été retenu par les juges du Palais Royal. La demande de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui a invité les industriels du simili carné à « développer leur propre terminologie » devient par conséquent caduque.

Recours en cassation ?

En revanche, le Conseil d’État s’est rangé derrière les arguments de la DGCCRF concernant les délais. Il a en effet estimé que la promulgation de la loi en 2020 avait laissé suffisamment de temps aux industriels pour prendre leurs dispositions avant le décret d'application du 29 juin dernier. Surtout la juridiction administrative se calque sur la position européenne qui autorise l'usage des termes d'origine animale, sauf pour les produits à base de lait. En effet, en octobre 2020, le Parlement européen avait rejeté à une large majorité un texte visant à interdire l'usage des termes d'origine animale pour les produits végétaux - exception faite pour les appellations « yaourt », « crème » ou « fromage » appliquées à des produits sans lait animal. Avec la publication de son décret fin juin, la France était le seul pays de l'Union européenne à aller à rebours de cette décision. Cependant, les différentes interprofessions de la viande et du bétail (Interbev, Inaporc, Anvol, etc.) et la DGCCRF qui militent pour appeler un steak un steak (issue d’une vache ou d’un bœuf) et des lardons des lardons (de porc) pourraient ne pas avoir dit leur dernier mot. En effet, la décision du Conseil d’État est susceptible d’un recours en cassation auprès du Conseil d’État lui-même. Les plaignants ont quinze jours pour agir, soit jusqu’à la mi-août. En tout état de cause, les magistrats administratifs devront se prononcer, sur le fond (validation ou interdiction du décret), avant le 1er octobre.

Christophe Soulard