En janvier 2024, l’association « Éleveurs de chevreaux d’Auvergne-Rhône-Alpes », fraîchement créée, a lancé un projet test de commercialisation de viande de chevreau. Le point avec Léna Orhant, chargée de mission chevreau pour Interbev, interprofession bétail et viande.
Ce sont des éleveurs sud ardéchois qui ont ouvert le bal de l’association régionale des éleveurs de chevreau. Ces derniers se sont associés pour créer un collectif de neuf exploitations spécialisées. « L’idée était de commercialiser des chevreaux lourds, engraissés à la ferme. Nous avons donc eu la chance de pouvoir créer un groupement d’éleveurs qui répondaient à ce marché », explique Léna Orhant. Jusqu’ici, la vente de chevreaux lourds engraissés directement sur les exploitations était un créneau inexistant. « Nous avions plutôt affaire à de la vente directe des éleveurs, de manière individuelle, ou de la vente ponctuelle, notamment à Pâques ou Noël. Un système de chevreaux plutôt légers, engraissés dans des ateliers et non directement sur la ferme, après collecte des chevreaux à 8 jours », précise-t-elle. Jusque-là, l’abattage, lui aussi, était réalisé par des entreprises spécialisées. L’association « éleveurs de chevreaux d’Auvergne-Rhône-Alpes » a souhaité créer un maillon intermédiaire avec des chevreaux lourds, engraissés sur place, commercialisés en filière longue. Un maillon plutôt destiné aux débouchés qui demandent une certaine planification et de l’organisation. « Pour l’instant, le projet a été réalisé par des éleveurs ardéchois, mais l’association tend à s’agrandir et à diversifier ses membres, à développer de nouveaux projets autour des abattoirs locaux », assure Léna Orhant. Le projet test de vente de chevreaux a été réalisé avec les magasins « Fresh », commerces de produits frais, filiale de la marque « Grand Frais ». Depuis son lancement, ce sont 180 carcasses de chevreaux qui ont été vendues au niveau régional. « L’idée, c’était aussi de voir comment fonctionne la vente de plus petites découpes de viande, car on trouve habituellement du chevreau en demie ou quart de carcasse. Par notre biais, les enseignes Fresh proposaient donc du gigot, du navarin, des carrés de côtes et des côtes filets », relate-t-elle.
Une viande encore méconnue
En amont de la phase test, l’association a réalisé à quel point il était primordial de communiquer sur la viande de chevreau. Beaucoup ne la connaissent pas, c’est pourquoi ils ne la consomment pas. Ses consommateurs actuels étant encore rares, ou en moyenne âgés de plus de 50 ans, le groupement d’éleveurs a donc choisi d’adapter la consommation de viande de chevreau à une cible plus jeune, par une découpe plus détaillée, mais également par des dégustations au sein de quelques points de vente « Fresh ». « Pour convaincre le consommateur, il est nécessaire que le produit vienne à lui et le surprenne. Il a besoin d’être rassuré. D’ailleurs, nous avons rapidement observé la différence de ventes entre les enseignes dans lesquelles nous avons mis en place des ateliers de dégustation, et les autres. Cette pratique a créé un effet levier chez les nouveaux consommateurs », affirme la chargée de mission chevreau. En amont, l’association des éleveurs a également fait appel à la marque régionale « Ma région, ses terroirs », label dont ont bénéficié les barquettes de chevreau en vente. Cette marque a permis de valoriser les produits en rayon, rappelant que le chevreau vendu est un produit régional.
Des pistes d’amélioration à poursuivre
« Le projet aura permis de se faire une idée de ce qui fonctionne ou non », explique Léna Orhant. « Les prix unitaires sont encore sûrement trop élevés pour les consommateurs, et les découpes encore trop lourdes. Il faudra détailler davantage et s’améliorer sur la communication, notamment lors des temps forts de vente, à Pâques et à Noël, avec davantage de dégustations et de suggestions ». L’association continue de travailler sur de nouvelles solutions afin de trouver le meilleur créneau, à la fois en ce qui concerne la chaîne de valeur, l’ensemble des coûts de production et la praticité des produits proposés. « Le prix de vente en rayon peut aller de 28 à 33 €/kg selon la pièce. Si on arrive à détailler davantage le produit, il sera plus appétent. Et plus le produit est léger, plus le prix l’est aussi ». L’association d’éleveurs est cependant satisfaite des résultats de ce projet de lancement sur lequel ils travaillaient depuis déjà plus d’un an. « Notre première victoire à l’issue du bilan est d’avoir pu rémunérer les éleveurs à hauteur de ce que l’on avait déterminé à l’origine, un montant équivalent au coût de production, déterminé par l’Institut de l’élevage (Idele). Cela correspond à environ 10 € par kilo de carcasse ». Les éleveurs ont également bénéficié d’un suivi personnalisé : « Nous avons mis en place des plannings par exploitation, pour s’assurer que les chevreaux avaient atteint le bon poids lorsqu’ils sont envoyés à l’abattage. C’était un moyen de rassurer les éleveurs et de pouvoir s’organiser tous ensemble », explique Léna Orhant. Un projet fédérateur pour les éleveurs et qui leur donne la possibilité de travailler en collectif et ainsi de trouver des débouchés en diversifiant le marché de la viande de chevreau. Le but étant de continuer à proposer une viande de qualité et de faire en sorte que les éleveurs soient rémunérés au juste prix, les deux socles immuables de l’association.
Charlotte Bayon