GASTRONOMIE
Jean-François Malle sacré champion du monde de poulet de Bresse à la crème

Margaux Legras-Maillet
-

Les organisateurs ont mis les petits plats dans les grands pour cette première édition des championnats du monde de Poulet de Bresse à la crème. Le succès était au rendez-vous ce lundi 3 avril au Domaine des saveurs à Saint-Cyr-sur-Menthon où une dizaine de candidats a brigué le titre. 

Jean-François Malle sacré champion du monde de poulet de Bresse à la crème
Sylvain Jacquenod, plébiscité par Georges Blanc pour son classique « poulet du dimanche » relevé par une sauce 100 % crème de foie gras et champagne, termine deuxième de la compétition. Photo/MLM

La Volaille de Bresse a désormais son premier champion du monde. Quelle histoire pour Jean-François Malle ovationné ce lundi au Domaine des Saveurs. Champion du monde de poulet de Bresse en 2023, il remportait il y a tout juste dix ans, le championnat du monde de pâté en croute, à base de cochon du Cantal et de volaille de Bresse ! « À croire qu’(elle) me porte chance ! », se réjouissait-il, heureux mais éreinté. 
Il faut dire que la journée n’aura pas été de tout repos pour le chef étoilé du restaurant La Rotonde de Charbonnières-les-Bains (Rhône). Un véritable sprint, qualifié de « professionnel » par les membres du jury, auquel se sont mesurés une douzaine de chefs : Jean-François Malle ; Grégory Cuilleron, chef du restaurant Cinq Mains à Lyon et ancien candidat de l’émission Top Chef ; Inès Trontin, cheffe du restaurant Pêche à Paris ; Aymeric Buiron, chef du restaurant Cassis à Mâcon ;  Olivier Sauzon, chef du restaurant L’Argenson à Lyon ; Sylvain Jacquenod, chef du restaurant L’Argot à Lyon ; Alexandre Ciesielski, chef du restaurant Le Cinq à La Clusaz ; Tony Beyhier, chef du restaurant Oh Bouchoux à Saint-André-le-Bouchoux et Arthur Bessard du restaurant Les Platanes à La Chapelle-du-Châtelard.
 
Marier tradition et créativité 
 
Midi, le coup d’envoi, et une bouffée d’oxygène pour Cyril Dégluaire et Pierre-Henri Lassarat, deux des organisateurs de l’événement, en apnée depuis la veille. Départ d’un candidat tous les quarts d’heure, sous les yeux attentifs des juges de salle (Sébastien Chambru (L’O des vignes en Saône-et-Loire) et Olivier Chardigny (L’Ancienne auberge à Vonnas)), en charge de noter la propreté du plan de travail, l’hygiène ou encore le gaspillage alimentaire (sur 20 points). Les 160 autres points sont accordés par les juges de table et portent sur le respect du thème et de la créativité, l’harmonie et l’équilibre des goûts, la qualité de la sauce, la cuisson, et le dressage et l’aspect visuel. 
Chacun a deux heures pour donner sa version de la recette du poulet de Bresse à la crème accompagné de sa garniture. Simple ? pas si sûr. « Le sujet est assez intéressant, par moment un peu déroutant, il faut faire attention ça peut faire la balance », précise Davy Tissot, président du jury et vainqueur du Bocuse d’Or 2021. « La garniture est piégeuse », observe de son côté Didier Goiffon, chef étoilé de la Huchette à Replonges et membre du jury. Certains candidats se sont en effet laissés emporter par un déséquilibre des proportions entre le plat principal et l’accompagnement. « On part avec une base de volaille de Bresse à la crème et une marge de manœuvre très large. En même temps il faut garder le réconfort, et en même temps il ne faut pas s’ennuyer non plus », renchérit le célèbre journaliste et critique culinaire François-Régis Gaudry, également membre du jury.
 
« J’ai eu l’extase sur trois ou quatre plats » 
 
Trouver l'équilibre entre tradition et créativité, tout en respectant la hiérarchie des produits imposés … les plats ont été tout aussi épineux à réaliser pour les candidats qu’ils ne l’ont été à noter pour les juges. Chacun y va de sa sensibilité : sauce acidulée à la myrtille, morilles farcies, piment fermenté, absinthe dans le plat …
Les juges se disent à l’unanimité séduits, parfois même bluffés du niveau de la compétition. Ce n’est pas le palais de Yann Éon, ancien sommelier de Paul Bocuse et membre du jury, qui dira le contraire : « J’ai eu l’extase oui, sur trois ou quatre plats ! » Les juges ont particulièrement apprécié le fait que de nombreux candidats aient utilisé l’ensemble des morceaux du poulet dans leur recette. 
Seul éleveur membre du jury, Vincent Vacle, n’en était pas moins impressionnant pour les candidats, stressés de décevoir le premier maillon de la chaîne. « La volaille de Bresse, on met du temps pour en faire un beau produit et quand on voit comment les chefs peuvent l’amener encore plus haut… », se remémore-t-il. Représentant de la filière, Vincent Vacle se réjouit de l’événement, véritable vitrine de l’AOP bressane. 
Vers 18 heures, l’heure du verdict a sonné. Jean-François Malle l’emporte, suivi de près par Sylvain Jacquenod et Aymeric Buiron. La technicité l’emporte finalement. Le Rhodanien d’origine bretonne a refait trois fois sa recette avant le jour J : « Je suis resté sur une assiette de cuisine traditionnelle avec une morille emmaillotée et une carotte acidulée pour casser le gras de la crème », précise-t-il. En plus de remporter le prix, Jean-François Malle est déjà annoncé comme membre du jury pour la prochaine édition. Rendez-vous le lundi 25 mars 2024 au Domaine des saveurs. Face au franc succès de ce premier championnat du monde, les organisateurs envisagent également de proposer un second concours aux amateurs dès l’année prochaine. En attendant, Jean-François Malle promet d’ajouter sa recette à la carte de son restaurant. 

« Tout est bon dans le poulet »
Aymeric Buiron, au côté d’Olivier Chardigny, juge de salle, termine troisième de la compétition. Photo/MLM

« Tout est bon dans le poulet »

À 35 ans, Aymeric Buiron, chef du restaurant Cassis à Mâcon, est passé par plusieurs grandes maisons londoniennes et new-yorkaises, puis chez Mathieu Viannay, chef chez La Mère Brazier, et le Gourmet de Sèze à Lyon. Il y a quatre ans, lui et sa femme ont ouvert leur restaurant Le Cassis à Mâcon. Peu appâté par la course aux étoiles, le jeune chef veut surtout « faire plaisir à ses clients et être complet ». Habitué à travailler avec Cyril Dégluaire, c’est pour « lui rendre honneur » qu’il a souhaité participer au concours. Ce natif de Foissiat s’est également réjoui de pouvoir promouvoir la crème de Bresse. Arrivé troisième de la compétition, il a proposé du blanc de poulet cuit au thermoplongeur et une cuisse cuite pressée, le tout accompagné d’une réduction de jus agrémentée à l’absinthe. « On dit souvent que tout est bon dans le cochon, mais tout est aussi bon dans le poulet : le foie, le cœur, le cou, la crête… », souligne-t-il. 

Régine Sibelle a fait le déplacement
Régine Sibelle, au côté de Didier Goiffon, chef étoilé de la Huchette à Replonges et membre du jury. Photo/MLM

Régine Sibelle a fait le déplacement

Difficile pour le grand public d’assister au concours dans l’espace restreint de la salle. Beaucoup ont dû se contenter d’observer à distance en suivant l’épreuve depuis le grand écran disposé dans le hall du Domaine des Saveurs. Il faut dire que la mayonnaise a pris et les visiteurs étaient exceptionnellement nombreux sur site ce lundi, se réjouit sa nouvelle directrice Katia Mollet. Quelques curieux ont néanmoins réussi à se faufiler jusque devant les postes de travail des chefs. 
Parmi eux, la papesse de la Volaille de Bresse, Régine Sibelle qui, malgré ses 83 ans, n’aurait manqué le rendez-vous pour rien au monde. Accompagnée de l’une de ses filles, Marie, elle arpentait courageusement les mètres carrés de la salle du concours pour demander aux chefs du jury de bien vouloir autographier le tablier qu’elle leur tendait. Et de lâcher tendrement « C’est pour mon Jean-Mi ! », le sourire aux lèvres. Retenu à ses occupations d’éleveur, Jean-Michel Sibelle ne pouvait en effet venir lui-même rencontrer ces grands noms de la gastronomie.  
Autres visiteurs de marque de la volaille de Bresse, Max et Éliane Cormarèche, venus admirer la transformation du « moelleux », non sans émotion en repensant à l’arrêt prochain de leur élevage, prévu en 2023 pour la partie Volaille de Bresse, et fin 2024 pour l’ensemble de l’exploitation. C’est avant tout la génétique mise en place sur les allaitants qui manquera à l’éleveur, confie sa femme avant d’ajouter : « je n’ai même pas réussi à négocier pour garder deux poules ». Une page qui se tourne pour le couple, contents malgré tout de revenir à ce genre d’événements. 
Pour répondre à la frustration de ceux n’ayant pas pu accéder à la salle du concours, les organisateurs promettent de réfléchir à une solution pour l’année prochaine.