À l’aube de 2024, le président de la chambre régionale d’agriculture, Gilbert Guignand donne un regard dans le rétroviseur de 2023 et surtout se projette sur cette nouvelle année pendant laquelle le réseau des chambres d’agriculture va célébrer son centenaire. Interview.
Le début de l’année rime avec vœux. Quels seraient les vôtres pour le monde agricole en cette année 2024 ?
Gilbert Guignand, président de la chambre régionale d’agriculture : « Mon premier vœu serait bien évidemment la santé pour l’ensemble des agriculteurs et leurs familles. Le second serait la prospérité. Pour l’atteindre, il faut que les prix payés producteurs de nos produits soient à la hauteur de nos attentes et que la météo soit davantage compatible avec notre métier. Enfin, pour le troisième vœu, je caresse le souhait de voir se poursuivre la dynamique de l’installation que nous avons enclenchée ces dernières années. J’aspire à voir un maximum de jeunes agriculteurs prendre la relève de ceux qui prennent leur retraite bien méritée, il en va de l’avenir de notre agriculture ».
Avant de tourner définitivement la page de 2023, quel bilan dressez-vous de l’année dernière ?
G. G. : « Deux sujets majeurs ont rythmé 2023 : la nouvelle programmation de la politique agricole commune (Pac) et le FEADER et la première année du nouveau système assurantiel pour la gestion des risques. Ces deux dossiers ont essuyé des joies et des peines. En effet, si nous n’avons pas connu d’année blanche concernant le FEADER, et c’est une très bonne chose, aujourd’hui (l’Interview a été réalisée le 18 décembre. NDLR), il demeure des problèmes de paiement des aides pouvant entraîner des difficultés sur les exploitations. Concernant la gestion des risques, beaucoup de questions sont encore en suspens. Il est encore trop tôt pour dresser le bilan. Le déclenchement est encore trop incertain surtout sur une année comme celle que nous avons vécue durant laquelle certains départements ont connu une sécheresse précoce et longue. Sur le fond, ces deux réformes étaient acceptables. Aujourd’hui, toutefois nous nous devons de suivre leur mise en œuvre au quotidien pour que les choses ne dérapent pas ».
Comment se présente l’année 2024 ?
G. G. : « L’incertitude règne. Nous avons le sentiment que nous avons un ministre de l’Agriculture, mais plus de ministère. Quand nous appelons à la simplification face à suradministration, nous ne semblons pas être entendus. Nous craignons que le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires prennent le dessus sur celui de l’Agriculture concernant des dossiers comme la restauration de la nature. Nous serons vigilants que certaines zones ne soient pas sanctuarisées sans raison. Enfin, la fin de l’année sonnera l’heure de la campagne électorale pour les élections des chambres d’agriculture qui se tiendront en tout début 2025. Il s’agit d’une échéance importante, car la légitimité de notre réseau réside dans l’engagement de ses élus qui ont de réels pouvoir et poids politiques. Si l’engagement de professionnels est primordial pour le monde agricole, leur légitimité se gagnera par la mobilisation des électeurs pour voter ».
Le réseau des chambres d’agriculture fêtera ses cent ans cette année. Qu’est-ce que ce centenaire signifie ? G. G. : « Cela fait cent ans que les chambres d’agriculture sont présentes et à l’écoute des territoires. Ce réseau de proximité doit se maintenir. Sa force réside dans le dernier kilomètre au cœur des cours de ferme. Depuis cent ans, nous accompagnons les agriculteurs et les futurs exploitants dans leurs démarches pour s’installer, construire un nouveau bâtiment, pour découvrir les dernières innovations et être encore plus performants et répondre aux nouvelles attentes sociétales… Au sein de notre réseau, nous avons besoin d’avoir une vision d’avenir pour remplir la mission confiée par l’État et je pense que demain plus qu’hier, l’expertise des chambres d’agriculture sera déterminante pour permettre au monde agricole de relever les défis qui lui font face comme le changement climatique ou encore le renouvellement des générations. Ce réseau centenaire est aujourd’hui plus que jamais indispensable et performant ».
Propos recueillis par Marie-Cécile Seigle-Buyat