DÉCOUVERTE
Immersion au cœur de l’agriculture américaine

Ludivine Degenève
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Le syndicat des éleveurs de Prim’Holstein de l’Ain a organisé, du lundi 3 octobre au mardi 11 octobre un voyage aux États-Unis à l’occasion de la World Dairy Expo, la plus grande exposition laitière du monde. Les quarante éleveurs aindinois en ont profité pour visiter des fermes et ainsi se rendre compte des différences entre les exploitations américaines et françaises.  

Immersion au cœur de l’agriculture américaine
Les vaches défilaient devant les juges par lot de 40 lors de la Word Dairy Expo, le vendredi 7 octobre à Madison. PHOTO/ FC

« L’objectif principal du voyage c’était la World Dairy Expo », explique Florent Chapon, président du syndicat Prim’Holstein de l’Ain. Le voyage a été décalé deux fois à cause de la Covid, pour finalement avoir lieu du lundi 3 octobre au mardi 11 octobre 2022. Une quarantaine d’éleveurs aindinois ont répondu à l’appel. Ils se sont rendus à cet évènement, considéré comme la plus grande exposition de vaches laitières du monde, le vendredi : journée consacrée à la race Holstein. Avec ce voyage, les éleveurs aindinois ont pu constater les différences entre l’agriculture américaine et française.
La première chose qui a interpelé le groupe d’éleveurs est sans nul doute l’aspect « grandiose » du concours. Les stalles sont comparées à des vitrines. « Chaque élevage a son stand personnel », explique Florent Chapon. « C’est vraiment de la communication», renchérie sa femme Anne Chapon. Certaines vaches étaient même venues du Canada pour l’occasion. « Les gens qui font cette exposition, ils mettent plus de 15 jours, entre le voyage et le concours qui dure huit jours », précise Florent Chapon, qui estime le coût d’un tel événement à 50 000 € par éleveur.
 
Une confiance aveugle aux clients
 
Durant ce voyage, le syndicat a également eu l’occasion de visiter cinq exploitations laitières. Et les disparités entre l’agriculture française et américaine n’ont pas tardé à se faire ressentir au fil des visites. Mercredi 5 octobre, les quarante voyageurs se sont rendus sur l’exploitation Cinnamon Ridge Farm dans l’Iowa. « On a été reçus dans sa salle à manger, il y avait l’écran au-dessus de sa cheminée, le power point était prêt. Il avait l’habitude des visites », explique Anne Chapon.
La première chose qui a interpelé les visiteurs est la vente directe un peu particulière de John et Joan Maxwell, les propriétaires. En effet, le magasin est situé au bord de la route, les gens peuvent donc se servir et mettre l’argent dans une boîte, le tout sans surveillance. Et même si ces pratiques ne sont pas répandues en France, elles le sont aux États-Unis, si bien qu’en plusieurs années, seulement une personne n’a pas payé la somme correspondant à ses achats. « Pour l’anecdote, il a mis un dollar au lieu de 32 », raconte Anne Chapon. « C’est particulier cette manière de faire. Tu ne fais pas ça en France, tu n’oserais même pas faire un magasin comme ça », enchaîne-t-elle.
 
Des bandes enherbées au milieu des parcelles 
 
Autre différence entre les pratiques agricoles françaises et américaines : les cultures. Elles sont toutes sous organismes génétiquement modifiés (OGM). D’après Florent Chapon ce sont surtout les cultures de maïs et de soja qui sont touchées. « Les maïs étaient hyper réguliers. Le premier de la parcelle était le même que celui qui était au milieu », explique le président du syndicat Prim’Holstein. Cette pratique est notamment due aux températures, radicalement différentes de celles constatées en France. En effet, en hiver, le mercure peut afficher jusqu’à -30 °C. « L’OGM en maïs leur apporte [aux Américains, NDLR] entre 40 et 50 quintaux supplémentaires, estime Florent Chapon. Ils font environ 50 quintaux de soja et entre 180 et 200 quintaux de maïs. »
Les règlementations face aux bandes enherbées ne sont également pas les mêmes que de l’autre côté de l’Atlantique. Les exploitations américaines n’ont pas d’obligation face à leur implantation. Ils reçoivent des aides s’ils ont des bandes enherbées, mais n’ont pas de pénalité s’ils n’en ont pas. Contrairement aux agriculteurs français qui mettent les bandes enherbées sur les bords de champs, les agriculteurs américains préfèrent les mettre dans leurs parcelles, dans une cuvette pour couper le courant de l’eau. « Ils sont beaucoup moins soumis aux normes que chez nous, mais ils sont beaucoup plus responsables », constate Florent Chapon. Les labours sont aussi une pratique peu répandue dans le Midwest. « À l’automne, une fois qu’ils ont récolté le maïs grain ou ensilage, ils mettent du lisier et déchaument avec un cover crop. Après ils laissent faire tout l’hiver. Vu que ça gèle à -30 °C, ça décompacte la terre à un mètre de profondeur », raconte le président du syndicat. Sans labours, les exploitants américains n’utilisent ni charrue, ni herse rotative. « Les coûts de mécanisation à l’hectare ne sont pas élevés », observe Florent Chapon. 
 
Du sable à la place de la paille 
 
C’est le jeudi, lors de la visite de l’exploitation Farnear Holstein à Farley, que les éleveurs ont également remarqué une différence entre les logettes françaises et américaines. En effet, en France, il est coutume de mettre de la paille. Mais de l’autre côté de l’Atlantique, c’est le sable qui est le plus utilisé. Les exploitants vont le chercher dans le Mississippi. Après utilisation, il est ensuite évacué dans les fosses et retiré une fois par an à l’aide de pelleteuses. « Chez nous, du sable dans la fosse, on serait bien embêté », s’amuse Florent Chapon. 
Durant ce voyage, le groupe d’exploitants français a eu l’occasion de visiter de nombreuses exploitations, toutes plus différentes les unes que les autres. Mais ce n’est pas tout, le syndicat a également pu de se rendre à l’Iowa 80, « le plus grand relais routier du monde », d’après Anne Chapon. Les éleveurs ont aussi visité l’usine John Deere à Davenport et son pavillon où sont entreposées toutes les machines destinées à la vente, sans oublier les visites des villes de Chicago, de Madison et de New-York. 

À la Cinnamon Ridge comme ailleurs, les stalles sont uniquement couvertes de sable, ce qui améliore le confort des vaches. PHOTO/ FC