INSTALLATION EN VOLAILLE DE BRESSE /
Une filière ouverte à tous les profils

Certains sont éleveurs depuis plusieurs générations, d’autres ont attrapé la passion de cette volaille unique après une expérience dans l’agriculture. Mais la profession attire aussi de nouveaux convertis aux poulets « pattes bleues » qui bénéficient d’une AOP.
 Une filière ouverte à tous les profils

Ils décident même de changer de métier pour se lancer, soit dans le cadre familial ou en tant que salarié sur l'exploitation en créant un atelier complémentaire à une autre production comme l'élevage laitier.
Ces éleveurs de volailles de Bresse sont formés, passionnés et cultivent la tradition. Ils apprennent à vivre au rythme des gallinacées, veillant sur elles quotidiennement. Ils répètent les mêmes gestes chaque jour
avec la conscience de produire de la qualité.
La filière recherche de nouveaux éleveurs et le CIVB favorise des candidatures pour pérenniser la production. Face à une demande en forte croissance, le poulet AOP (le seul au monde) manque d'éleveurs.
Cette production agricole a des atouts pour séduire, elle ne demande que peu d'investissements au regard des autres productions et permet de dégager plus de temps.

 

Dossier Yolande Carron

 

« Si c’était à refaire, oui oui je recommencerais »

Erick Déroche

 

Ghislaine et Eric Déroche installés à Biziat, font partie de ces agriculteurs qui le sont devenus après une reconversion professionnelle. Eric a abandonné le métier de comptable pour reprendre l’exploitation familiale avec son frère en 1998. Quelques années plus tard, son épouse Ghislaine a fait le choix de s’associer avec lui. Technicienne de laboratoire de 1991 à 2014, après la naissance de leur troisième enfant, elle a cessé son activité pour venir prêter main forte à son mari. « Je suis fille d’agriculteur, j’ai toujours aimé ce monde. La nature, elle ne nous demande rien. C’est un plaisir pour moi de fouler le sol, me promener dans les prés, de voir des lapins », observe Ghislaine. Lorsqu’elle était salariée dans un laboratoire, Ghislaine réservait déjà ses congés pour aider aux volailles festives. Car chez les Déroche on participe aux Glorieuses depuis longtemps.

15 000 volailles et 500 chapons

Avant que Ghislaine le rejoigne, Eric était au maximum de ses possibilités, il aurait fallu qu’il embauche. Alors plutôt que de prendre un salarié c’est son épouse qui a changé de statut en devenant agricultrice. « Mon métier ne m’intéressait plus et je voyais Eric s’épuiser. C’est un travail très physique 7 jours sur 7. Je donne à manger, conduit le tracteur. Lorsqu’il faut porter les épinettes heureusement que nous sommes deux ». Chaque jour le couple parcourt 6 km à pied pour surveiller et nourrir les volailles. L’agricultrice est retournée sur les bancs de l’école en 2013 pour suivre un brevet professionnel de responsable agricole  aux Sardières.
« Il y avait beaucoup de comptabilité dans les cours. Maintenant, je fais la partie
administrative mais Eric, en tant qu’ancien comptable se charge de l’analyse financière ».

Depuis 2018 ils sont autonomes

Son arrivée sur l’exploitation a reboosté Eric : « j’ai apporté ma touche féminine avec plus de rigueur au niveau de l’élevage. J’aime particulièrement cela » explique Ghislaine. Depuis trois ans ils se sont lancés dans de gros investissements afin d’améliorer leur outil de travail. Une poussinière, un laboratoire, le magasin de vente et l’atelier d’abattage depuis décembre 2018. « Financièrement c’est chaud, mais nous n’avons plus qu’un seul enfant à charge ». Chaque année les Déroche prennent trois semaines de congés. Ils peuvent compter sur le frère d’Eric, agriculteur aussi, pour les remplacer.

D’autres activités

Même si Ghislaine aime son travail et son cadre de vie, cela lui est difficile d’être à l’intérieur. « J’ai besoin de sortir, voir d’autres personnes, de faire des activités ». L’ouverture de sa boutique le vendredi après-midi, lui permet de rencontrer ses clients qui viennent chercher leurs commandes. « J’aime participer aux Glorieuses me retrouver avec les autres éleveurs ». Mais sa vie ne tourne pas qu’autour de la volaille. Ghislaine aime peindre. Chaque lundi, elle suit des cours de peinture. Elle est aussi très sollicitée localement pour des animations. Sportive également, après avoir pratiqué la course à pied pendant longtemps, elle réfléchit à une activité moins dure. « J’ai pas besoin d’une activité physique, je l’ai par mon travail, c’est plutôt un sport qui me viderait la tête sans trop de douleur que je voudrais faire ». Ce sera peut être le vélo. Avec Eric !

 

 

« On passe moins de temps que sur le bétail »

 

Antoine Mazué Gaec du Grand Barvet à Viriat.

 

Lorsqu’il avait 20 ans et son Bac professionnel conduite et gestion de l’entreprise agricole en poche, Antoine Mazué ne jurait que par les vaches et la conduite d’un tracteur.
« Avec l’âge on évolue. J’en ai 35 aujourd’hui et je pense plus à la vie de famille aux enfants. L’élevage de volailles me semblait le mieux adapté pour me laisser plus de temps avec mes proches. Je peux organiser mon travail de manière plus souple qu’avec le bétail ».

Installation familiale

Le Gaec du Grand Barvet à Viriat est une exploitation familiale depuis trois générations. Antoine est installé avec ses beaux parents. Son épouse travaille à l’extérieur. La surface est de 100 ha en céréales en auto consommation et un atelier de 55 vaches qui produisent du lait bio en race montbéliarde. « J’étais salarié ici un tiers de temps et le reste par le groupement de la volaille de Bresse, j’ai fait 13 ans chez Christian Chatard ». Alors forcément lorsque la Gaec a envisagé de s’agrandir et d’embaucher Antoine à plein temps, il a fallu choisir entre plus de lait en augmentant le cheptel de vaches ou carrément une autre production. Un atelier complémentaire volaille de bresse s’est imposé comme une évidence. Le futur salarié, fort de son expérience dans le domaine était apte pour le conduire. Après avoir suivi une formation pour étudier le cahier des charges de l’AOP il s’est lancé.

Tout créé en 2017

Antoine a une vision moderne de l’agriculture « diversifier les fermes ce n’était pas vrai il y a 20 ans mais c’est une réalité qui fonctionne bien de nos jours. Ainsi lorsqu’une production est en baisse l’autre assure de meilleurs revenus ». Les bâtiments ont été créés de toute pièce avec un investissement de 120 000 euros aidés à 40% par l’aide allouée aux Jeunes Agriculteurs, Antoine en avait l’âge. L’atelier produit 7000 volailles de Bresse par an qui sont vendues à un volailler. Elles sont démarrées à un jour dans les poulaillers. Toutes les 5 semaines un lot part. « Je n’aurais pas pu faire de la volaille industrielle. J’aime mieux la qualité plutôt que la quantité.
La volaille AOP n’est pas un travail désagréable en plus la trésorerie est rapide et surtout, on passe moins de temps que pour les vaches ».

Faire de la volaille fine

Antoine estime avoir pris le rythme de croisière au bout de un an et demi d’activité. « Je trouve que cela roule bien. La mise en épinette seul et parfois un peu difficile mais on s’y fait. Le travail consiste surtout à faire des passages pour tout vérifier. Je n’ai pas de trappe automatique car cela augmente le risque de prédation ». Sa chaîne d’alimentation est automatisée et les volailles sont nourries avec 70% de maïs. « L’élevage me passionne car c’est technique. Il faut adapter l’alimentation suivant la météo. Je dirai que le seul petit souci c’est au niveau des volailles déclassées par le volailler. C’est à nous de les gérer. La moyenne de la filière est de 13 %, je n’ai que 7,8 % donc je suis dans les clous ».
Antoine Mazué se donne environ 10 ans à faire de volaille de Bresse avant d’envisager de se lancer dans la volaille fine. « C’est une perspective qui me plaît mais cela demande une autre organisation ». En attendant il continue à s’impliquer chaque jour dans son élevage tout comme au sein du CIVB où il a une fonction.

 

 

« La volaille nécessite un faible investissement »

Guillaume Chalon et Charline, Gaec des Armes, à la Chapelle Thècle en Saône-et-Loire.

 

Au Gaec des Armes, à la Chapelle Thècle en Saône-et-Loire, un atelier complémentaire de volailles de Bresse a été créé en août 2018. Il vient compléter l’exploitation laitière installée depuis trois générations. 4 associés et 2 salariés y travaillent. 80% du cheptel de vaches montbéliardes et le reste en Prim’Holstein garantissent 1M de litre de lait par an. L’exploitation compte 310 ha de SAU ainsi que des ateliers d’engraissement de taurillons et de génisses croisées.
200 ha pour la volaille
Après un diplôme de comptabilité, Charline, fille d’un des associés du Gaec des Armes a décidé de revenir à la ferme. « Je me sentais mieux dans le milieu de l’agriculture ». Guillaume Chalon, lui travaillait à mi-temps sur l’exploitation mais hors cadre familial. Aussi pour pérenniser son poste sur l’exploitation et le passer à plein temps, les associés ont décidé la création d’un atelier complémentaire de volailles dont s’occupent Charline et Guillaume. « L’investissement demandé était faible, cela nous a guidé dans notre choix. Nous avions juste besoin de bâtiments, de clôtures et d’une machine pour la fabrique des aliments. Les céréales nous les avions déjà » résume Guillaume. En plus c’est une production qu’il connaissait déjà.
5600 volailles
Pour ces nouveaux installés, qui ont suivi la formation « jeune éleveur de volaille de Bresse », cette activité complémentaire est bien adaptée avec les bovins. Elle demande de la main d’œuvre mais  s’avère moins contraignante que les vaches.
« C’est plus facile de se dégager du temps en volaille que dans l’atelier lait. Le travail se limite à ouvrir matin et soir et pareil pour les nourrir, deux fois par jour. Il y a un gros travail de surveillance par contre pour gérer la prédation ». Nous prenons un week-end sur deux et une semaine de congés par an. « La volaille se maintient dans les cours lorsque c’est de la qualité comme celle-ci. Il y a peu de risques ». confie l’éleveur. Guillaume et Charline sont très satisfaits de leur choix et n’envisagent pas pour l’instant de faire de la volaille fine « Cela demande plus de temps et d’investissement ».