PORTRAIT
Jean-Pierre Gabut poète et écrivain agricole de la Michaille

Très impliqué dans la défense et la valorisation de son métier auprès des décideurs politiques et au sein d'associations locales, l'auteur a sorti trois livres en sept ans et note à tout moment ses réflexions et idées pour le prochain.
 Jean-Pierre Gabut poète et écrivain agricole de la Michaille

Très impliqué dans la défense et la valorisation de son métier auprès des décideurs politiques et au sein d'associations locales, l'auteur a sorti trois livres en sept ans et note à tout moment ses réflexions et idées pour le prochain.
Cinq nouvelles composent le troisième opus de Jean-Pierre Gabut, « La brebis égarée ». Ce sont cinq histoires qui gravitent de manière légère ou plus profonde autour du thème de l'égarement et de la quête de soi. L'auteur veut aussi démontrer que l'on sait souvent très peu sur les gens qui nous entourent. Apprendre à les connaître est généralement positif. Le lecteur rencontrera le « gamin fossé », une folle, un bon paroissien et beaucoup d'autres, qui traversent toutes sortes de péripéties et prises de conscience. Cela se passe dans les années 1960 à 1970, non pas par nostalgie de l'auteur, mais plutôt parce que les gens vivaient des contacts plus rapprochés avec les animaux, la nature et les voisins. « Aujourd'hui », déplore Jean-Pierre Gabut, « les gens passent du boulot à la maison et aux écrans. Autrefois, la société était davantage construite sur les relations humaines. » Il ne regrette toutefois pas cette période encore plus difficile pour les agriculteurs et savoure aujourd'hui son relatif confort de vie et son implication au sein du conseil municipal, de la communauté de communes et de diverses associations. En tant que président de la CUMA (Coopérative d'Utilisation de Matériel Agricole) en pleine expansion de Vouvray-Ochiaz depuis 19 ans, il a coordonné l'organisation du congrès départemental des CUMA du 13 juin 2019 à Châtillon-en-Michaille. Il considère que les CUMAs locales sont à même d'intervenir sur les nouvelles pratiques agricoles plus respectueuses de l'environnement par l'acquisition ensemble de matériel performant et l'emploi d'un salarié en commun, ajoutant que « les CUMAs permettent aussi aux agriculteurs de sortir de leur isolement par des échanges avec les voisins, mais demandent une bonne entente, le respect des engagements financiers et humains ». Jean-Pierre Gabut est par ailleurs président depuis quatre ans de la caisse locale du Crédit Agricole dans le but de représenter les sociétaires, de les défendre et de soutenir certains dossiers présentés par des associations.

Ne laisser sur Terre que les empreintes de ses pas

Dans une première vie, l'auteur de « La Brebis égarée », né à Valenciennes, a suivi une formation d'ingénieur agronome. Après avoir été coopérant au Mozambique, il a travaillé comme enseignant dans un lycée agricole. Il a aussi été journaliste de presse grand public, puis agricole, durant treize ans en Normandie. Avec l'aide de son épouse fille d'agriculteurs et professeur des écoles, il a cherché une exploitation agricole qui correspondait bien à une douzaine de critères qu'il s'était fixés à l'avance : parmi ceux-ci, il lui fallait environ 25 vaches, des montbéliardes, du foin de montagne, un accès proche aux transports routiers et ferroviaires, une école tout près pour ses enfants, une CUMA, et pas la Bretagne à cause du climat. Il a donc repris la ferme « idéale » à Ochiaz (Valserhône) en 1997. Le couple a construit lui-même sa maison en bois alimentée en énergie géothermique et solaire. Jean-Pierre Gabut bichonne aujourd'hui une cinquantaine de bovins, dont 25 vaches laitières pour une référence de l'ordre de 125'000 litres de lait livrés à la Société Laitière de Haute-Savoie à Frangy. Il cultive des céréales, des prairies et produit son foin. Son goût de l'écriture ne l'a jamais quitté et il s'est lancé dans son premier roman, « Les barbelés de la Chamaille », tout d'abord sans trop savoir où il allait, mais avec la volonté d'évoquer des problèmes d'actualité. Petit à petit, avec la relecture par des parents et des amis, ses personnages se sont affinés. Un mois d'août pluvieux de 2011, alors que sa femme était partie en vacances avec les enfants, Jean-Pierre Gabut a remanié son texte pour lui donner une structuration logique, avec du suspense et des rebondissements. L'épilogue, volontairement provoquant, est une mise en garde sur l'avenir des éleveurs. L'auteur constate qu'aujourd'hui beaucoup d'agriculteurs ne sont pas libres, mais prisonniers d'un système, d'une forme de pensée dominante, qui les guide un peu trop. Et l'individualisme prend le pas sur la solidarité. Les quatre personnages principaux de ce premier roman sont des morceaux de lui-même qui traduisent ses intérêts, son entêtement et ses préoccupations sur le futur de l'élevage laitier. Dans le recueil de nouvelles « La vache de Madame Borde » sorti en 2015, les intrigues se déroulent une nouvelle fois à « La Chamaille » (et non la Michaille) et on y trouve entre autres une vache aux comportements humains très bêtes, ou un homme considéré comme lâche qui a pourtant sauvé une vie pendant la guerre. Jean-Pierre Gabut écrit tout le temps, il se dit attentif aux pensées qui lui viennent pour les coucher sur papier. Souvent, ce sont des petits quatrains sur des thèmes d'actualité, des textes qui s'étoffent peu à peu, ou encore dernièrement ce long poème sur Odysseus, le roi de Plagne il y a 150 millions d'années, qui suggère aux hommes de faire comme lui en ne laissant sur Terre que les empreintes de ses pas.

Ursula Rhyner
=> « La brebis égarée » est en vente sur le site Internet de l'éditeur https://boutique.librelabel.fr/articles/36 et à la librairie Biguet à Bellegarde.