SYNDICALISME
Prix : Jeunes agriculteurs veut siffler la fin de la partie

Pas de renouvellement des générations sans prix rémunérateurs pour Jeunes agriculteurs d’Auvergne Rhône-Alpes (JA Aura). À l’occasion de son assemblée générale, le syndicat des jeunes agriculteurs a demandé des comptes à des représentants de coopératives et de GMS.

Prix : Jeunes agriculteurs veut siffler la fin de la partie
L’équipe JA Aura en assemblée générale, le jeudi 8 avril dernier, à Bourg-en-Bresse. © JA Aura

Avec un peu plus de 800 installations par an, Auvergne-Rhône-Alpes est l’une des régions où l’on installe le plus et de manière pérenne. Les jeunes qui s’installent avec les aides sont toujours en activité quatre ans après leur installation. Si à l’occasion de leur assemblée générale, organisée depuis Bourg-en-Bresse dans l’Ain et retransmise en visioconférence, JA Auvergne-Rhône-Alpes a salué cette bonne dynamique, il a toutefois pointé du doigt une difficulté majeure. « On arrive à motiver des jeunes, c’est une réalité avec 40 % d’installations hors-cadre familiaux dans la région. Mais pour continuer, nous avons besoin de prix rémunérateurs », a expliqué Clément Rivoire, vice-président de JA Aura, en charge de l’installation-transmission. Une position unanimement partagée par les responsables professionnels. « La crise sanitaire a remis en lumière l’enjeu de souveraineté alimentaire, mais avec des prix aussi bas payés au producteur, on reste clairement sur notre faim », a indiqué en préambule Pierre Picard, président de JA Aura.

« Ce n’est pas moi, c’est lui »

Pour tenter de faire la lumière sur l’une des questions les plus épineuses du moment, à savoir où est passé le ruissellement escompté par la loi Egalim puisqu’a priori « il n’est pas encore redescendu jusque dans les cours de ferme », les jeunes agriculteurs avaient convié à une table ronde des acteurs des filières coopératives, et deux responsables de GMS. Après deux heures de débats, disons plutôt de ping-pong, où chacun s’est prêté allégrement au jeu du « ce n’est pas moi c’est lui », difficile d’envisager un changement profond de paradigme. « Si on veut garder des agriculteurs nombreux sur le territoire, j’en appelle aux distributeurs. Un travail a été entrepris autour des coûts de production, on s’en est servi pour nos négociations commerciales, il y a eu des avancées », a indiqué Jean-Michel Javelle président de la section laitière de la coopération Auvergne-Rhône-Alpes. Pour son homologue de la section viande, Philippe Plasse, le bras de fer avec la GMS est rendu plus costaud par un marché qui recherche de plus en plus de pièces… « Il faut aux opérateurs des contrats solides avec les distributeurs avant de répercuter auprès du producteur. Si on peut envisager une progression de l’application des coûts de production, nous devons être dans une logique de création de valeur. Le fait de trouver des contrats qui s’engagent sur l’application des coûts de production, ne doit pas occulter la performance des exploitations ». Mais comment investir sans perspectives de prix ?

Quand c’est flou…

Olivier Trichet à la tête de l’établissement E. Leclerc d’Échirolles dans l’Isère s’est dit interpellé par la réalité de ce que vivent les producteurs. « Dans la filière viande, nous vivons la difficulté de l’équilibre matière. Nous avons du mal à trouver des bouchers pour travailler les carcasses. » Sur la question de la valeur générée par la loi Egalim, via notamment le seuil de revente à perte (SRP), le dirigeant a indiqué : « En 2019, nous avons augmenté nos tarifs. Par les relations que nous avons avec les producteurs, nous avons mesuré que la redescente ne s’est pas faite, des baisses de prix ont même été constatées chez des producteurs, alors que de notre côté il n’y a eu aucune baisse. J’ai l’impression que le flou qui peut se passer entre nous et vous producteurs, en arrange certains ». Même axe de défense pour Henri Trarieux, responsable du centre E. Leclerc de Roanne : « Sur la viande, en 2018, on a passé 38 cts de hausse, 35 cts en 2019, 60 cts en 2020, les industriels sont venus sans demander d’augmentation de tarifs. Avec la loi Egalim, on a payé 10 % de plus. Il y a une réalité. Quelqu’un a été pris en otage, je suis ouvert pour en discuter avec les vrais chiffres. Je suis pour la collaboration entre producteurs et distributeurs, à livre ouvert on va découvrir beaucoup de choses ». La réponse de Jean-Michel Javelle, ne s'est pas faite attendre, pour lui point de trésor caché : « je peux vous affirmer que l’argent engagé, les 38 millions d’euros obtenus dans le cadre des négociations ont été reversés aux producteurs. Il faut aller plus loin pour couvrir le coût de production, mais aussi le coût de l’inflation inhérente à nos structures ». Mais alors à qui profite la loi ?

Des exemples qui fonctionnent

À entendre coopératives et distributions, ni à l’une ni à l’autre… Pierre Picard n’est pas dupe « à la fin de l’histoire, les deux les plus roulés sont les producteurs et les consommateurs ». Et pourtant des modèles témoignent que la construction du prix « en marche en avant » n’est pas une chimère. Ainsi dans le Rhône, la Maison Cholat, meunier et négociant, a tissé un lien durable avec ses producteurs depuis plusieurs années. « Sur la partie agronomique nos équipes accompagnent les agriculteurs. Tout ce qui passe par nous est contractualisé sur plusieurs années, avec des prix minimums garantis, et des possibilités de hausse et de prime selon la qualité. Nous devons nous adapter dans notre meunerie, aller voir les boulangers, défendre le travail de nos agriculteurs, leur garantir une traçabilité, leur apporter de la composition sur l’origine et tout cela a un prix », a expliqué François-Maxence Cholat, responsable de la collecte de la Maison Cholat. Un exemple inspirant comme il en existe heureusement bien d’autres dans le paysage agricole qui prouve, si besoin était, de la capacité du premier maillon de la chaîne à jouer le premier rôle. « Quand vous construisez un immeuble vous commencez par les fondations pas par le toit, c’est à l’agriculteur de fixer son prix », a lancé un jeune dans la salle, en guise de conclusion.

Sophie Chatenet