FILIÈRE
Les producteurs d’oléagineux croient à la durabilité de leur modèle

La Fédération des producteurs d’oléoprotéagineux (FOP) a affiché ses ambitions en matière de transition agroécologique, avec un futur vu de manière positive grâce au retour à une belle rentabilité de la filière, lors de ses Rencontres annuelles, le 30 novembre.

Les producteurs d’oléagineux croient à la durabilité de leur modèle
A environ 600 €/t, les exploitations de colza et de tournesol restent rentables d’autant que l’azote connaît une petite baisse.

Le 30 novembre, les producteurs d’oléoprotéagineux (colza, tournesol, pois, luzerne, lin, chanvre…) ont tenu lors leur congrès annuel, sous la présidence d’Arnaud Rousseau, le président de la Fédération, en présence de Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, du ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, et des députés et sénateurs. L’occasion de faire le point sur la situation, plutôt très bonne du point de vue économique, mais avec des défis à venir, en matière d’alimentation, d’énergie ou de changement climatique, trois transitions dans lesquelles la FOP veut s'inscrire. « L’agriculture est stratégique, chacun a pu le constater avec la crise de la Covid-19 et avec la guerre en Ukraine. Il faut donc favoriser notre capacité productive, avec un plan réagriculturisation de la France à l’instar de la volonté de réindustrialisation », a lancé Arnaud Rousseau.  « Nous sommes au cœur de toutes les transitions à venir, que ce soit en matière de nutrition et de santé avec la végétalisation de l’alimentation, en matière de transition énergétique avec l’explosion des prix des carburants fossiles, auxquels nous répondons avec des biocarburants plus économiques et plus écologiques. Plus que jamais, nos produits donnent du sens à notre action, à nos productions », a-t-il ajouté. Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, n’a pas manqué d’enfoncer le clou sur l’importance stratégique de l'agriculture. « Pendant vingt ans, nous avons été soumis aux critiques sans pouvoir nous défendre. Exactement comme c’est le cas pour le nucléaire qui a paralysé les politiques. Mais aujourd’hui, à Bruxelles, ça commence à bouger. On ne doit pas sacrifier la sécurité alimentaire au nom du changement climatique. Rien n’est simple car il y a des immeubles entiers de lobbyistes à Bruxelles pour influencer les décisions politiques. Mais c’est un combat politique que nous devons mener, sans arrogance, à tous les niveaux de la société, jusqu’aux conseils municipaux, jusque dans les familles où les débats ne manquent pas non plus et la mienne n’y échappe pas. »

Nombreux atouts

Christiane Lambert est aussi présidente du Comité des organisations agricoles de l’Union européenne (Copa), et donc aux premières loges à Bruxelles pour observer les luttes intestines qui finissent par des directives et règlements qui se déversent ensuite sur les producteurs et les productions agricoles. Une liste dont le président des Chambres d’agriculture, Sébastien Windsor, s’est fait l’écho et qui paraît interminable et difficile d’application. Mais au final, les producteurs d’oléagineux ont aussi des atouts. D’abord, une situation économique plutôt enviable avec des cours très élevés pour les graines de colza et de tournesol, des rendements élevés et une production record, soit 4,5 millions de tonnes de colza et 1,8 million de tonnes de tournesol. Basé sur une valeur moyenne de 700 € la tonne, selon nos calculs, les producteurs ont réalisé près de 4,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, avec des marges confortables et des primes de production importantes. Une très bonne année donc, qui s’inscrit parfaitement dans l’objectif de création de valeur soutenu par Arnaud Rousseau, qui rappelle qu’il « n’y a pas d’agriculture sans revenus de l’agriculture ». Il est d’ailleurs confiant pour l’année à venir. « Les emblavements de colza pour cette année sont dans la ligne de ceux de l’an dernier, c'est-à-dire plus de 1 million d’hectares et nous n’observons pas de baisse. Sur le tournesol, c’est un peu tôt, mais nous sommes sur un haut plateau. Concernant les prix, il faut compter sur la capacité européenne de trituration, alors que les outils ukrainiens sont hors d’usage. Elle absorbe toutes nos disponibilités. Certes, il y a beaucoup de graines sur le marché, ce qui explique que depuis un mois et demi une érosion des prix. Mais à environ 600 €/t, les exploitations de colza et de tournesol restent rentables d’autant que l’azote connaît une petite baisse. »

Une ombre au tableau

Côté industriels, Jean-Philippe Puig, PDG d’Avril, s’inquiète quand même des risques de récession qui touchent déjà la Chine, les États-Unis et qui devraient toucher l’Europe à terme. « La situation pourrait finalement avoir un impact sur les prix, car l’état de l’économie est déterminant pour la demande, qui reste forte actuellement », souligne-t-il. « À l’inverse, l’interdiction d’utiliser de l’huile de palme pour les biocarburants, et à terme l’huile de soja, pour cause de déforestation, ouvre des marchés pour les huiles de tournesol et de colza européennes ». Et donc des perspectives pour les producteurs européens. Seule ombre au tableau économique pour l’instant, les protéagineux, trop mal valorisés par rapport aux autres cultures. Il faut remettre les lentilles en agriculture en France, « alors que 80 % des volumes sont importés ». Les pois et féveroles connaissent des chutes de production et pourraient pourtant servir la cause de la souveraineté alimentaire humaine ou animale. Des moyens importants vont être dégagés en recherche et développement pour ces cultures, notamment via le plan protéines mis en place par le gouvernement. Et Arnaud Rousseau pousse les feux d’un nouveau « syndicalisme à vocation économique » qui s’ouvre aussi aux défis de l’industrie alimentaire, coopératives ou privés et à leurs problèmes de marge en baisse. Car sans outils de transformation, pas de valorisation de la production. « Chaque maillon de la filière doit rester compétitif ». Ce qui passera nécessairement par des hausses de prix acceptées par la distribution et sans doute une nouvelle loi de rééquilibrage des relations commerciales, lesquelles s’annoncent tendues. Mais c'est le prix de la durabilité de la filière qui est en jeu.

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