PREDATION
Claude Font : « De nouveaux critères de non-protégeabilité, le plus vite possible »

À l'issue d'une rencontre en Côte d'Or le 23 mars avec le préfet référent loup, les éleveurs auraient obtenu des critères de non-protégeabilité individuels pour les nouveaux territoires colonisés par le loup. Claude Font, référent du dossier loup à la Fédération nationale ovine (FNO) en détaille les contours attendus, et appelle à une publication rapide des textes réglementaires.

Claude Font : « De nouveaux critères de non-protégeabilité, le plus vite possible »
Claude Font, référent du dossier loup à la Fédération nationale ovine (FNO).©Pâtre-Réussir

Qu'est-ce que la non-protégeabilité ?

Claude Font : « La première notion prévoit que, pour obtenir les aides ou des tirs de défense simple, certaines exploitations non-protégeables peuvent être exemptées de l'exigence de mesures de protection. Elle est définie par l'article 6 de l'arrêté de 2018 sur la prédation à l'échelle de l'exploitation. C'est une disposition qui a encore peu servi, et dont nous avons essayé de définir les critères au travers d'un travail sur le cadre national dans plusieurs départements, la Savoie, la Haute-Loire et la Meurthe-et-Moselle, ainsi que par une expertise sur le terrain avec la chambre d'agriculture en Saône-et-Loire. Il ne faut pas confondre ces mesures sur les exploitations avec la notion de zones difficilement protégeables, qui, comme le prévoit l'article 36 du même arrêté, sont définies au niveau territorial, par une décision du préfet coordonnateur, comme en Lozère ou en Aveyron. »

Quels critères recommandez-vous de privilégier ?

C.F : « Les élevages ovins en Saône-et-Loire, ou même en Côte-d'Or et dans l'Yonne, sont des systèmes herbagers qui mènent un travail de haute valeur génétique, ce qui implique de fractionner les troupeaux en une multitude de lots. Un troupeau divisé sur le parcellaire en 6, 8 ou 10 lots pourrait, selon nous, être un critère de protégeabilité. Il y aurait également un critère financier. Les éleveurs sont financés à hauteur de 80 % pour leurs mesures de protection, avec un plafond. Lorsque la protection dépasse ce plafond, l'éleveur devrait pouvoir être considéré comme non-protégeable. Nous préconisons également d'autres critères comme la présence de cours d'eau, de chemins cadastrés sur les parcelles, ou encore la reconnaissance du travail dans les champs par les éleveurs. Nous essayons de faire valoir qu'une surcharge de travail peut exister à certaines saisons dans ces systèmes de plaine, et limiter la capacité des éleveurs à se protéger. »

Le préfet vous suivra-t-il sur ces recommandations ?

C.F : « Lors de la réunion du 23 mars nous avons échangé sur les moyens de protection et de prévention, et nous avons validé ces critères avec le préfet référent. Nous sommes cependant un peu pris par le temps : les troupeaux vont sortir d'ici une dizaine de jours. C'est pour cela que nous espérons que ces critères seront officiellement validés au niveau national le plus vite possible. Et puis il faudra que le texte soit adapté dans chaque département pour que les critères fixés par les arrêtés soient les plus pertinents possible par rapport à chaque type d'élevage. »

Alors que l'OFB souligne dans sa note de l'été 2020 l'émergence de secteurs à surveiller "parfois très éloignés" des zones de présence historique, comment les éleveurs de plaine réagissent-ils à l'arrivée du loup par rapport à leurs collègues des montagnes ?

C.F : « Quel que soit le système, le loup représente une agression. Après les échanges avec le préfet, je suis allé rencontrer une trentaine d'éleveurs de Saône-et-Loire qui avaient mené une action syndicale une semaine auparavant en déposant les brebis mortes devant la préfecture. Bien sûr, ils ont du mal à accepter d'être devenus des victimes du loup, et que le dossier sur la non-protégeabilité n'avance pas plus vite. Mais doivent-ils au fond accepter ? Pour nous, élevage et prédation demeurent incompatibles. Au sein de la FNO, nous ne ferons donc jamais de différence entre les systèmes d'élevage : pour tous, le loup représente les mêmes atteintes au travail et à la vie de famille. »

Faudrait-il, selon vous, mieux anticiper l'arrivée du loup dans de nouveaux territoires, en accentuant la surveillance menée par l'OFB ?

C.F : « Il faudrait bien sûr aider les départements à mieux se préparer. Les critères de non-protégeabilité pourraient se préparer dès les premiers indices, encore plus tôt que nous l'avons fait en Saône-et-Loire, avec un travail entre les éleveurs et les DDT. L'Allier, par exemple, y réfléchit aussi déjà. Dans la réalité, nous subissons beaucoup et nous avons l'impression de courir derrière le loup. Car si nous conservons les moyens actuels, nous n'enrayerons jamais la prédation. Alors que les besoins augmentent, l'État aura-t-il une gestion comptable du loup ou est-ce que cet aspect le conduira à changer de braquet ? La question se pose désormais ».

Propos recueillis par Ivan Logvenoff